Georges de La Tour
Vic-sur-Seille, 1593 - Lunéville, 1652
L’Apparition de l’ange à saint Joseph, dit aussi Le Songe de saint Joseph
Vers 1642
Huile sur toile
93 x 81 cm
Collection Cacault, achat,
1810
Inv. 642
Une figure enfantine s’approche d’un vieillard qui s’est endormi sur son livre ouvert. La bougie est encore allumée, tandis que les mouchettes sont déposées sur le chandelier. La simplicité de la scène explique que son iconographie n’ait pas été reconnue avant le début du 20e siècle. L’œuvre met en scène Joseph visité par une apparition céleste, figure immatérielle puissamment éclairée, durant son sommeil. S’agit-il de l’ange venant lui annoncer la conception virginale de l’Enfant Jésus afin qu’il ne répudie pas la chaste Marie ? De la recommandation de fuir en Égypte la nuit précédant le massacre des innocents ? Ou au contraire de revenir dans leur pays d’Israël après la mort d’Hérode ?
Le sujet exact semble définitivement devoir nous échapper, comme la flamme de la chandelle – pourtant éblouissante – qui reste cachée à notre vue par la manche de l’ange. La première hypothèse de la conception divine de l’Enfant pourrait être privilégiée, avec ce geste gracieux et mystérieux de l’ange – nous évoquant irrésistiblement la puissance émotionnelle d’une Annonciation –, qui apporte à Joseph tourmenté la réponse au mystère de l’incarnation.
L’œuvre, par le sujet et la facture, est à rapprocher du Saint Joseph charpentier du musée du Louvre, qui oppose avec la même émotion le vieil homme usé par la vie au profil parfait et angélique de Jésus enfant. Les deux toiles rendent compte de l’importance du culte de saint Joseph que le concile de Trente avait remis à l’honneur comme symbole du bon père de famille et de l’honnête artisan. La palette chromatique du peintre se restreint sensiblement en se concentrant sur des effets de nocturnes en apparence plus sobres. Cependant, sa technique devient quasi « impressionniste », avec de véritables gouttes de matière (en particulier dans la ceinture de l’ange) d’une virtuosité rappelant celle de Vélasquez ou encore Vermeer.
Avec cette œuvre, La Tour atteint d’ailleurs un des sommets de poésie silencieuse si chère au Maître de Delft.
Adeline Collange-Perugi
Extrait du Guide des collections du Musée d'arts de Nantes
Domaine public © Musée d'arts de Nantes - C. Clos