Les missions

Les missions du Musée d’arts de Nantes sont multiples. Pour que le visiteur d’aujourd’hui et de demain puisse vivre une expérience unique, les équipes du musée répondent aux quatre grands axes qui définissent ses missions. Le Musée d’arts est chargé de conserver et d’enrichir, pour la postérité, des collections d’œuvres d’art du 13e siècle à nos jours, mais aussi d’aider tous les publics, par des moyens très variés, à percevoir leur beauté, leur sens, leur puissance.
La présence de l’art contemporain au sein d’une collection qui s’étend sur 9 siècles de création lui permet de mêler, dans ses expositions, sa pédagogie l’art et la vie, en mettant en avant l’esprit du lieu (une architecture à la fois classique et contemporaine, à la fois monumentale et enveloppante). Le musée est par ailleurs profondément lié à la métropole qui l’a vu naître, tout en demeurant ouvert vers le monde.

Pour expliciter ces missions, rien de mieux qu’un professionnel pour en parler. Échange avec des responsables de services afin d’appréhender les tenants et aboutissants de ces grands axes au sein du Musée d’arts de Nantes.


Une experte à l’œuvre

Adeline Collange-Perugi est conservatrice et responsable de la collection art ancien. Conserver, étudier, expertiser des œuvres, imaginer des expositions et enrichir les collections, c’est son métier ! On lui a donc posé quelques questions.

Entretien avec Adeline Collange-Perugi

Conservatrice et responsable de collection, c’est avoir plusieurs casquettes ?


Au Musée d’arts de Nantes, chaque conservateur est responsable d’une collection selon une période chronologique (art ancien, 19e siècle, art moderne et art contemporain). Nous avons effectivement deux grandes « casquettes » : nous sommes responsables de l’accrochage et de l’étude des collections permanentes, exposées dans les salles, mais également chefs de projet et commissaires de certaines expositions temporaires.

Nous avons un travail d’expertise scientifique sur les collections du musée. Pour assurer la transmission des œuvres aux génération futures, en collaboration avec la régie, nous devons nous assurer de leur état et de leur bonne conservation dans des conditions d’éclairage et de climat appropriées. Il peut s’avérer parfois nécessaire de faire appel à des restaurateurs spécialisés et de déterminer avec eux le meilleur protocole de restauration pour « soigner » des œuvres abîmées.

Pour les expositions temporaires, nous réfléchissons aux thématiques et recherchons les œuvres et élaborons un synopsis, un peu comme au cinéma, pour dialoguer avec le visiteur.

Pour les collections et les expositions, un peu à la manière d’un détective, le conservateur est un chercheur qui trouve des œuvres à acquérir ou à exposer pour faire avancer l’histoire de l’art, qui aide à poser un nouveau regard sur des artistes, des mouvements artistiques…

Vous dites que les expositions et l’accrochage des collections permanentes empruntent souvent une thématique qui parle aux visiteurs. Vous pouvez préciser ?

C’est en effet le choix du musée que de se raccrocher à la vie quotidienne et aux problématiques du monde d’aujourd’hui. Valoriser les collections, c’est impliquer le visiteur en le rendant acteur de sa visite et renouveler les approches et l’accrochage des œuvres. Par exemple, dans le parcours du musée, nous avons créé des salles thématiques. Un thème comme les différents repas au 17e siècle nous permet de parler à la fois des repas sacrés mais également des fêtes d’autrefois, tout en observant la différence entre la nature morte d’un peintre italien ou hollandais. On découvre ainsi les différentes courants artistiques de manière plus ludique. Il en va de même pour le regard sur l’enfance ou la famille au 18e siècle, ou encore pour de grandes expositions temporaires thématiques comme Le Voyage en train ou À la mode. Ce qui est fabuleux, c’est que le visiteur peut s’emparer des expositions selon l’axe qui le touche : l’histoire du train, la beauté d’une robe à la française du 18e ou la composition d’un tableau.

Chaque expérience est personnelle et tout le monde ne vient pas au musée pour la même chose. On a le droit d’y venir juste pour se balader ou pour apprendre énormément (avec nos cartels commentés par exemple). Dans nos parcours, nous avons aussi volontairement inclus des œuvres « anachroniques », par exemple des œuvres du 20e siècle dans le parcours ancien. Certaines peuvent interpeller les visiteurs, ne serait-ce qu’en se disant « mais que fait cette œuvre ici ? ». Qu’est-ce qui les rapproche par delà le temps ? Qu’est-ce qui les différencie ? Qu’interpellent-elles en moi quand je les vois ensemble ?

On ne donne jamais aux visiteurs un discours absolu, il peut le construire avec ce qu’on lui offre. Il est donc subjectif, sensible, plus ou moins scientifique, plus ou moins drôle ou esthétique aussi. L’important, c’est de vivre une expérience personnelle avec les œuvres.

Vous devez aussi enrichir les collections. Comment cela se traduit-il ?

Comme le musée, les collections sont vivantes et s’enrichissent par des achats en galeries ou ventes publiques, mais également par des legs et des dons sur lesquels nous travaillons. En art moderne par exemple, nous avons reçu en 2024 un très beau don d’un couple de galeristes nantais, Jean et Jeannette Branchet. Cela nous permet de réinterroger notre discours sur les collections et l’expérience des visiteurs.


Des œuvres en mouvement

Céline Rincé-Vaslin, responsable du service des collections et de la production des expositions est la cheffe d’orchestre de la régie des collections et du service technique. Ses missions vont de la conservation à l’accessibilité des collections. Et entre les deux ? Beaucoup d’autres choses comme elle nous l’explique.

L’entretien avec Céline Rincé-Vaslin

Le Musée d’arts de Nantes reçoit beaucoup de demandes de prêts d’œuvres. Comment accepter sans trop impacter le parcours des visiteurs ?

Nous prêtons plus d’une centaine d’œuvres par an et, dans la vie d’un musée, ces prêts sont essentiels pour réaliser de nouvelles expositions temporaires, pour les musées à qui l’on prête comme pour nous. En effet, cela nous permet d’entretenir de bonnes relations avec les autres établissements et d’éventuellement les solliciter pour nos propres projets d’expositions.
Afin de statuer sur l’opportunité d’un prêt, nous étudions avec le service conservation différents points : l’intérêt scientifique de l’exposition, les conditions de présentation des œuvres en termes de sécurité, sûreté, climat… surtout pour des œuvres anciennes, fragiles. Pour accorder un prêt, il faut aussi que l’œuvre soit en bon état et qu’elle ne soit pas engagée dans un autre projet.
Mais il y a aussi d’autres considérations à prendre en compte. Quand on nous demande des chefs-d’œuvre, comme nos trois Georges de La Tour qui sont accrochés dans le parcours permanent et extrêmement utilisés pour les visites guidées, mais aussi très attendus par les visiteurs du musée, c’est très rarement envisageable, même si tous les critères sont respectés. Mais le refus d’un prêt est toujours expliqué.

Le voyage d’une œuvre d’art, ce n’est pas toujours un peu périlleux ?

Dès que l’on manipule une œuvre, on la met en danger. Ces mouvements sont donc très réglementés et nécessitent de l’expérience. Avant le départ, nous faisons un constat de l’œuvre. Si cela est nécessaire, du fait de sa fragilité, sa valeur d’assurance ou sa complexité d’installation, nous l’accompagnons (on appelle cela convoyer) et vérifions à chaque étape que tout se passe bien. On ne convoie pas toutes les œuvres prêtées, ce serait extrêmement chronophage. Mais, que l’œuvre soit convoyée ou pas, il y a toujours un constat d’état après déballage pour vérifier qu’il n’y a pas eu de dégradation.

Vous êtes partie prenante dans la conservation des œuvres ?

Oui, nous exposons environ 900 œuvres au musée mais nos collections en regroupent plus de 14 000. Notre service a également en charge les réserves, le stockage des collections et leur récolement, dont l’objet est de vérifier, à partir des inventaires, la localisation et l’état des œuvres dans nos collections. Il y a toute une liste de critères à checker ! Nous documentons et gérons toutes les œuvres informatiquement et grâce à ce travail méticuleux, on retrouve l’ensemble des collections sur Navigart, une plateforme internet en accès libre que chacun peut consulter à sa guise.


La diversité des actions pour les publics

Nathalie Steffen est responsable du service des publics. De la visite guidée à l’atelier, de l’événementiel en salle à l’action hors les murs, le service multiplie les initiatives. Une rencontre ouverte sur tous les publics…

L’entretien avec Nathalie Steffen

Visiteurs individuels, groupes scolaires, personnes dites plus éloignées, le service des publics est-il vraiment sur tous les fronts ?

Oui, l’objectif du service des publics, c’est de faire en sorte que chacun trouve sa place au musée. Pour cela, nous avons plusieurs cordes à notre arc… Il y a d’abord les outils de médiation mis à disposition de tous : les textes dans les salles du musée, l’application de visite, les livrets, et autres dispositifs familles. Ces outils facilitent la visite des expositions temporaires et des collections permanentes. Mais nous ne nous arrêtons pas là. Nous avons aussi l’offre d’activités, les événements programmés, ainsi que les partenariats ou encore ressources pédagogiques pour les scolaires. Outre l’offre scolaire, nous menons aussi des actions en direction des étudiants. Dans le cadre des Étudiants à l’œuvre ou du Musée des étudiants, ils investissent le musée le temps d’une soirée et en deviennent les ambassadeurs. C’est une programmation proposée par les jeunes et pour les jeunes !
L’objectif est de prendre en compte les spécificités et les besoins de publics hétérogènes pour que chacun puisse s’y retrouver et venir avec plaisir au musée.

Cela se traduit comment ?

Nous avons une programmation de visites guidées et d’ateliers variée pour les familles, les visiteurs d’un jour comme les amateurs éclairés. Nous proposons des regards différents sur les œuvres ; par le dessin ou le jeu, par des croisements directement dans les salles avec la danse, la musique, des performances, de la poésie… Ces croisements de regards sur les œuvres offrent une autre approche, une autre vision qui favorise le fait de se sentir légitime, quelle que soit notre affinité avec le musée.

Se sentir légitime… Que toute personne trouve sa place au musée ?

Oui, l’idée, c’est que chacun puisse vivre une expérience qui lui est propre. Le médiateur est un passeur entre l’œuvre et le visiteur, il transmet des connaissance mais il aide aussi à la prise de conscience que nous pouvons tous mettre à profit nos compétences pour aborder les œuvres.
Pour les publics plus éloignés, on s’appuie sur les structures et dispositifs existants pour aller les chercher ; des relais du champ social, du champ médico-social pour faire venir un public qui effectivement ne viendrait pas de lui-même. C’est vrai aussi pour la petite enfance ; les gens sont persuadés, à tort, que les tout-petits ne sont pas les bienvenus au musée. C’est également vrai pour l’univers carcéral ou encore les patients du Centre Hospitalier Universitaire de Nantes… C’est important de contribuer au respect des droits culturels. Une partie du travail se fait justement auprès des relais qui, eux-mêmes, ne se sentent pas forcément légitimes à venir au musée. Il faut donc informer, faciliter, décomplexer.
Au Musée d’arts de Nantes, on souhaite véritablement être un lieu accueillant et accessible. Un endroit où l’on peut se balader ou juste pour faire une pause ; une respiration dans la ville au même titre que le Jardin des Plantes.


De la curiosité à la recherche

Mikaël Pengam est responsable de la bibliothèque du musée. De la recherche documentaire à l’accueil des publics ou l’enrichissement du fonds, les missions de la bibliothèque sont aussi utiles aux différents services du musée qu’aux visiteurs en quête de références. Découverte.

L’entretien avec Mikaël Pengam

Quels types d’ouvrages constituent le fonds de la bibliothèque du Musée d’arts de Nantes ?

Il y a toujours eu une bibliothèque au sein du musée mais, auparavant, elle était exclusivement réservée à un usage interne. Le fonds s’est donc enrichi au fil des décennies et, aujourd’hui, nous avons plus de 35 000 livres d’art et essais, ainsi qu’environ 200 000 documents comme des affiches, des cartons d’invitations, coupures de presse et autres revues, dont certaines sont collectées depuis 1850. Cela équivaut à environ 600 mètres linéaires de rayonnage !
Nous avons également des correspondances, comme celle de Gaston Chaissac ou la lettre d’un comte qui propose d’abriter en son château les tableaux du musée au début de la Seconde Guerre mondiale.

Les ouvrages concernent les beaux-arts de la fin du Moyen Âge à nos jours en écho aux collections du musée. Aujourd’hui la majorité d’entre eux sont sélectionnés pour la recherche documentaire liée aux œuvres du musée et aux expositions temporaires.

Pour enrichir ce fonds, nous bénéficions aussi de dons et d’échanges internationaux ; nous avons d’ailleurs des ouvrages dans de nombreuses langues. Le service fait également une veille sur les documents précieux disponibles à l’acquisition. Récemment, nous avons acquis, par exemple, un « almanach » assez osé réalisé en 1929 par Man Ray, Louis Aragon et Benjamin Péret ou encore un roman-collage en 5 volumes de Max Ernst intitulé Une semaine de bonté. Ces documents précieux sont inventoriés en tant qu’œuvres…

Un fonds important… qui peut en profiter ?

Outre le service de conservation et celui des publics avec qui nous travaillons beaucoup, les étudiants en histoire de l’art représentent environ les deux tiers de nos visiteurs. L’autre tiers est principalement constitué de collectionneurs privés, de conservateurs, d’artistes, de chercheurs indépendants, de professeurs, ou encore de journalistes. Nous répondons aussi beaucoup à des demandes à distance, notamment pour des publications qui viendront enrichir notre fonds ensuite. C’est un cercle vertueux. Et la bibliothèque est ouverte à tous sur rendez-vous.

Y-a-t-il d’autres missions insoupçonnées en tant que bibliothèque de beaux-arts ?

Nous travaillons en lien fort avec l’Université et ses professeurs. Il est important que les étudiants sachent qu’ils peuvent vernir consulter des livres et documents que l’on ne trouve pas ailleurs. Nous participons également à des colloques sur l’histoire de l’art, faisons partie du réseau national des bibliothèques d’art. Si notre mission est de faire connaître notre fonds au niveau régional, national et international, le grand public est aussi le bienvenu, notamment lors des Journées Européennes du Patrimoine où nous l’accueillons, livres et documents ouverts !