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L'exposition
Source d’une certaine volupté pour Bernardin de Saint-Pierre qui « goûte du plaisir lorsqu’il pleut à verse, que je vois les vieux murs mousseux tout dégouttant d’eau, et que j’entends les murmures des vents qui se mêlent aux frémissements de la pluie » , la pluie est objet d’études scientifiques et picturales chez les peintres comme Pierre-Henri de Valenciennes : « quand elle est considérable, ses effets ressemblent à ceux produits par le brouillard, soit par l’altération des couleurs, soit pour celle des lignes et des détails ». C’est par l‘expérience de la pluie et son observation assidue qu’elle devient un motif pour les peintres de plein air puis pour les impressionnistes.
En s’appuyant sur les recherches récentes de l’histoire culturelle et littéraire de la sensibilité aux phénomènes venus du ciel, l’exposition, développée en trois parties successives, met en perspective la place de la pluie dans les pratiques et les réflexions artistiques qui accompagnent la naissance d’un art moderne, mais pose également un regard sur l’émergence progressive d’une société urbaine nouvelle tout au long du 19e et au tournant du 20e siècle.
Des œuvres contemporaines, dont une installation inédite de l’artiste suisse Zimoun (né en 1977), complètent l’exposition dans la Chapelle de l’Oratoire et la Salle blanche.
Peindre sous la pluie
En mettant au défi les moyens de la peinture, la pluie participe de l’émergence d’un questionnement artistique sur la transcription des sensations et des effets optiques qui se prolonge jusqu’à l’impressionnisme et au-delà. De sublimes dépressions (de Gustave Courbet à Tal Coat) en atmosphères vaporeuses (William Turner, Martin Johnson Heade, Angelo Morbelli), sa représentation s’affranchit de tout récit, oscillant entre le flou, le trait et le point (Claude Monet, Paul Sérusier), nourrie de la proposition graphique des estampes japonaises, ces « images du monde flottant » collectionnées par de nombreux artistes (Hiroshige, Toyokoni II, Hokusaï).
Vivre sous la pluie
Dans des villes en pleine croissance, aux larges avenues bitumées ouvrant de vastes perspectives et facilitant les déplacements, les modes de vie modernes s’accommodent de la pluie, simple désagrément météorologique. Le motif de citadins – trottin, parisienne et ouvrier confondus – traversant les rues et ponts boueux s’impose dans les années 1880-1890 (Joseph Palizzy, Jean Béraud, Honoré Daumier). Un portrait social et urbain se dessine, souvent plein d’humour. La silhouette singulière du parapluie, accessoire vestimentaire qui ponctue et parachève la silhouette, s’introduit dans cette imagerie, devenant l’objet de fantaisies formelles dans des compositions de Leonetto Capiello, Christian Krohg ou Félix Vallotton.
Rêver avec la pluie
Paul Verlaine avait inventé la grisaille et le spleen urbain, Barbara chanta la pluie à Nantes. L’association symbolique de la pluie à la mélancolie coïncide avec la naissance d’une sensibilité et d’un imaginaire moderne à l’aube du 20e siècle. Rejoignant le flâneur dans sa déambulation citadine, le peintre et le photographe traduisent en perspectives fluides et fragments miroitants une expérience esthétique de la ville sous la pluie (Albert Marquet, Émile Claus, Charles Lacoste, Brassaï, Alfred Stieglitz). Sous l’œil du cinéaste Joris Ivens, figée, floutée, graphique, et vibrant comme une mélodie silencieuse, la pluie devient un élément reliant, telle une couverture d‘eau (Regen, 1929).
Commissariat général : Sophie Lévy, directrice conservatrice du Musée d’arts de Nantes.
Commissariat scientifique : Marie-Anne du Boullay, responsable des collections 19e au Musée d’arts de Nantes, sur une idée de Jean-Rémi Touzet, conservateur au Musée d’Orsay, assistée d’Anouck Sberro, assistante d’exposition.
L’exposition Sous la pluie, peindre, vivre et rêver a été conçue par le Musée d’arts de Nantes. Elle sera adaptée par le Musée des Beaux-arts de Rouen qui la présentera au printemps 2026.