Capucine Vever

Dunking Island

Expo événement

Du 10 mai au 21 septembre 2025

Dunking Island de Capucine Vever est une installation immersive au sein de laquelle le spectateur est invité à déambuler. L’œuvre, composée de six écrans et d’un dispositif acoustique multi-canal a été spécialement adaptée pour être exposée dans la Chapelle de l’Oratoire et ainsi dialoguer avec la singularité acoustique de cet espace.

  • Art contemporain
  • Chapelle de l'Oratoire
Dernière mise à jour : jeudi 27 mars à 17:56
  • L'exposition

    Dans la Chapelle de l’Oratoire, Valentin Ferré et Capucine Vever ont ainsi conçu un acousmonium sur mesure, dispositif sonore en 16 enceintes et 4 caissons de basse, pour développer une expérience sonore spatialisée, enveloppante et unique.

    Dunking Island (2022, 35 min), Installation vidéo et acoustique immersive. Vue de l’exposition personnelle « Là où le monde déborde » à la Graineterie, centre d’art de la ville de Houilles, 2024 Commissaire : Julie Sicault Mailles ©Salim Santa Lucia – ADAGP, Paris, 2024 / Capucine Vever

    Chaque écran dévoile de manière fragmentaire le film tourné dans la baie de Dakar au Sénégal. Le spectateur se retrouve au cœur de la dérive d’une embarcation sur l’Atlantique, aux abords de l’île de Gorée. Tour à tour sous domination portugaise, néerlandaise, anglaise et française, Gorée a été du 15e au 19e siècle le plus grand centre de commerce d’esclaves de la côte africaine. Le point de vue du film est celui de l’océan qui, à mesure que son niveau monte sous l’effet du réchauffement climatique mondial, efface inexorablement l’île et son histoire.

    L’océan est le personnage principal : ses mouvements, son ressac et ses habitants sont accompagnés par la voix du chanteur compositeur Wasis Diop. Celui-ci mêle son récit en wolof et français, et ses chants inspirés de la tradition lébou, aux nappes sonores du compositeur Valentin Ferré.

    Pour aller plus loin…

    Dunking Island, Capucine Vever, 2021.

    Texte de Patrice Joly, directeur artistique de Zoo centre d’art contemporain (Nantes), co-commissaire de l’installation présentée à Nantes du 10 mai au 21 septembre 2025.

    Dunking Island est une réflexion sur la menace qui affecte le littoral sénégalais suite au phénomène planétaire de la montée des eaux : composée d’une multiprojection et d’un acousmonium déployés sur six écrans vidéo et vingt sources sonores, l’installation de Capucine Vever investit les volumes généreux de la chapelle de l’oratoire, haut lieu de l’art vidéo nantais. L’ile dont il est question dans ce récit n’est autre que celle de Gorée dont le nom résonne des échos de la traite négrière qui, pendant des décennies, organisa le transfert massif de population à destination des colonies pour en faire la main d’œuvre esclavagisée des planteurs. La ville de Nantes, qui prit une part active à ce commerce, a entrepris depuis une trentaine d’années de revenir sur ce passé via diverses manifestations qui firent date et dont la plus emblématique est l’exposition Les anneaux de la mémoire en 1992. La proposition de la jeune artiste parisienne s’inscrit dans ce mouvement mémoriel qui vise à remettre en lumière son rôle dans cette industrie qui fit la fortune de la ville au 17e siècle.

    Dunking Island peut aussi s’appréhender comme une lente immersion de l’ile, renvoyant métaphoriquement aux effets dévastateurs du capitalocène et du réchauffement climatique qui lui est associé. Dunking Island alterne dans un contraste saisissant les plans des pêcheurs sénégalais aux techniques traditionnelles avec ceux des étraves des bateaux usines venant ravager les fonds océaniques. Les séquences sous-marines nous font prendre conscience de l’ampleur d’une pollution aux déchets plastiques qui transforme une côte que l’on imagine autrefois riante en une vaste poubelle aquatique dans laquelle circulent, indifférents, des poissons tropicaux aux couleurs chatoyantes. Le film de Capucine Vever révèle l’intensité des atteintes au rivage de l’île générées par un tourisme mémoriel en augmentation constante que le pays n’a pas les moyens de traiter, conjugué à une dramatique montée des eaux. Des atteintes grandissantes qui ne font que prolonger les effets d’une économie mondialisée dont l’origine remonte à l’essor du commerce triangulaire.

    Avec l’engloutissement programmé de Gorée se joue la disparition d’un ilot de mémoire irremplaçable. Mais le chant qui accompagne cette plongée filmique dans les eaux atlantique se veut plus une ode à l’océan qu’un pamphlet victimaire. Mis en musique par Valentin Ferré et porté par la voix du grand chanteur sénégalais Wasis Diop, issu du peuple de pêcheur Lébou, infusé de pensée animiste, le film de Capucine Vever, nous entraine dans une moderne odyssée où la remémoration des drames anciens remonte à la surface des consciences en se mélangeant à la rumeur des tragédies contemporaines liées aux migrations. Le rythme résolument lent de la vidéo qui s’accorde aux mouvements de flux et de reflux nous raccroche à celui des temps anciens que la fureur coloniale est venue bouleverser. Dunking Island nous berce de ces récits entrecroisés où nulle nostalgie n’affleure mais où simplement ressort la grâce des gestes des pêcheurs livrés à la fluctuation des courants et à l’humeur de l’océan.

  • La biographie de Capucine Vever

    Capucine Vever est née en 1986, elle vit et travaille à Pantin. Elle développe un travail contextuel, intéressée par les notions d’invisible, d’inaccessible et d’imperceptible. Ses créations puisent leurs origines dans les spécificités d’un territoire, les activitéś humaines qui s’y déroulent et les représentations dont il fait l’objet. Elle opère à partir de constats, d’études scientifiques, de cartes, d’expérimentations et de rencontres pour ensuite créer un récit glissant vers la fiction, une œuvre poétique, une représentation sensible d’enjeux sociétaux. Entre visible et invisible, du gigantisme à l’infime, l’artiste absorbe et manipule ce qui nous est offert au regard pour révéler ce qui est caché, et laisser place à l’imaginaire.

    Elle a conçu Dunking Island lors d’une résidence au centre artistique Kër Thiossane de Dakar en 2021. L’œuvre a reçu le Prix Michel Nessim Boukris 2021 de la Fondation des Artistes.

    Le travail de Capucine Vever a été présenté dans différentes institutions en France et à l’étranger. L’artiste prépare sa prochaine exposition personnelle à la galerie Eric Mouchet pour l’automne 2025 et son travail est également présenté en 2025 au sein d’expositions collectives au Musée des Beaux-Arts de Caen, au FRAC Poitou-Charentes, au Jardin Botanique de Bordeaux, à la Galerie municipale Julio Gonzalez d’Arceuil, à la Fondation Grantham pour l’art et l’environnement (Québec), à l’Instituto Tomie Ohtake de São Paulo et au Centre culturel Canadien de Paris 2026.

    Le premier catalogue monographique de l’artiste paraitra en septembre 2025 coédité par la galerie Eric Mouchet et Zéro2 Éditions.

Dunking Island

Installation vidéo et sonore, 35 min
Texte et voix : Wasis Diop
Musique originale et conception acoustique : Valentin Ferré
Programmation et étalonnage : Pierre-Yves Fave
Directeur de la photographie sous-marine : Léo Leibovici

Produite par Futur Antérieur Production avec le soutien de l’Institut français, du CNC, de la Fondation des Artistes, de la Communauté d’agglomération Grand Paris Sud, de la Ville d’Evry-Courcouronnes, de la Ville de Dakar, de la galerie Eric Mouchet, du centre d’art Image/Imatge, et du Bel Ordinaire, espace d’art contemporain de Pau Béarn Pyrénées. Le tournage subaquatique a été possible grâce à l’aide de Micelium Prod et de l’Océanium de Dakar.

Commissariat de l’installation
Patrice Joly, directeur artistique de Zoo centre d’art contemporain à Nantes.
Marie Dupas, responsable de l’art contemporain du Musée d’arts de Nantes.


Légendes et crédits
Capucine Vever, Dunking Island (2022, 35 min) Vidéo HD, stills du film ©ADAGP, Paris, 2024 / Capucine Vever